mardi 5 septembre 2023

Juillet 4

Mercredi matin, nos corps se sont trouvés au réveil, puis je me suis préparée pour partir. Tu es descendu me chercher un latté, on s'est embrassés sur le trottoir. Dans ma tête, ça avait presque un goût d'adieu. 

Mon horaire était chargé, tu partais le surlendemain à San Francisco, je connaissais tes aptitudes pour la disparition. 

J'ai pris une grande inspiration dans tes bras et j'ai décidé d'emballer cette histoire et de la placer dans un tiroir fleuri. Je t'ai souhaité bonne journée et je suis partie. Mon coeur papillonnait. 

samedi 2 septembre 2023

Juillet 3

 Mon père m'avait dit : « Tu ne peux pas venir chez moi. Depuis ta dernière visite, j'ai passé deux séjours à l'hôpital et j'ai perdu 30 livres. » Puis il avait ajouté : « Je ne t'ai rien dit, je ne voulais pas t'inquiéter. »

Alors je t'ai prévenu. Que ce serait sans doute bizarre en fonction de son humeur. Que ça me stressait beaucoup, ces visites. Que ce serait une journée étrange. Tu as dit oui sans réserve, on a prévu faire une bataille de chansons dans la voiture. Et mardi matin, je t'ai récupéré sur le Plateau pour partir à l'aventure. 

Comme on ne pouvait pas brancher nos deux téléphones, tu t'es tapé la « playlist de la mort » sans moufter. À chaque chanson, un univers. Tu as presque dansé sur les Spice Girls et insisté pour qu'on recommence Sous le vent du début après notre arrêt ravitaillement, question de pouvoir en profiter pleinement. La roule a défilé à toute vitesse et j'ai presque oublié mon stress. 

En sortant de la voiture, tu as replacé la chemise que tu avais choisie pour l'occasion. Je t'ai trouvé beau. Mon père, lui, était dans une bonne journée. Mes épaules ont fini par se relâcher et on a tenu presque deux heures dans ce petit resto en bord de route avant de repartir. Tu n'as pas parlé beaucoup, mais ta présence me permettait de ne pas trembler.

Comme tu n'avais jamais vu Trois-Rivières et qu'un de tes amis était dans le coin, on a bifurqué. Pris le temps d'explorer le Vieux, partagé une bière avec ce type que j'ai découvert peut-être plus profondément que ce qu'on aurait pu croire. Les confidences ont fusé. Suicide, dépression, famille, déménagement. Il y a aussi eu quelques regards interrogateurs, mais aucune question précise sur nous. Sur ce flou artistique qui nous entourait. Que faisions-nous ?

Puis A. a décrété qu'elle devait te voir aussi. Pour équilibrer les choses. Pour t'évaluer, aussi. Clairement. A. est une louve, mai lui a laissé un goût amer. Je ne t'ai pas caché la situation (perso, j'aurais refusé le détour). Mais tu n'as peur de rien, hein ? 

Le road-trip s'est allongé. Sur la terrasse de bois, quand le soleil est parti et que je me suis mise à avoir froid, que j'ai délaissé mon fauteuil pour le tien, tu as passé un bras autour de moi. Une intimité que nous n'avions plus eue depuis longtemps et qui pourtant semblait naturelle. Puis il y a eu les hot-dogs et les biscuits chinois en dessert. Je me suis étranglée de rire en ouvrant le mien. « L'amitié deviendra de l'amour. »

Nous avons filé. Au retour, c'est toi qui avais le contrôle musical. Il y a eu du vieux français et puis, tout à coup, cette musique que j'avais oubliée. Ces chansons que je connaissais par coeur et qui ont accompagné toute la fin de mon adolescence, mais que mon cerveau, comme le reste, avait effacées. Les mains serrées sur le volant, j'ai dansé, chanté, pleuré. Complètement vidée émotionnellement par cette journée de montagnes russes. Tu n'as pas paniqué, tu m'as juste demandé si tu pouvais faire quelque chose. Puis tu as respecté mon silence. 

J'ai attendu qu'on soit de retour sur l'ile, à proximité d'un métro pour ne pas que tu te sentes pris, pour te poser la question. « La journée s'arrête ici ou on continue ? » Ta réponse a fusé : « On continue. »

Nous sommes passés nourrir les chats, j'ai sauté dans la douche, empaqueté le Scrabble pour la forme et nous sommes redescendus sur le Plateau. Il y a eu des travaux, des détours, mes nerfs ont menacé de lâcher, mais... j'ai tenu. Quand tu es venu me rejoindre au salon après ta douche, je t'ai dit qu'il n'y aurait pas de sexu, que j'étais trop claquée. Tu m'as répondu que ce n'était clairement pas le mood et tu m'as entrainée au creux de ton lit, entre tes bras. Le battement de ton coeur comme métronome.