samedi 15 juillet 2023

Avril 2

 On s'est vus quelques fois. Toujours au détour de nos agendas, souvent en fin de soirée. Je venais m'asseoir sur ton canapé de velours rouge, on échangeait les confidences, je faisais tranquillement la cartographie de tes tatouages. Si les matins dans ta chambre étaient toujours bruyants à cause de la vie en dessous, tu ne t'offusquais pas de mon mauvais caractère et tu l'adoucissait à coups de lattés. Je laissais sous l'oreiller mes doutes et mes frustrations, quand tu disparaissais de longues journées et que je ne reconnaissais plus la chaleur de la présence dans le toi de la distance. 

Un soir, tu m'as amenée dans un bar où je me disais que la moi adolescente aurait eu envie d'être, mais où la moi adulte cherchait ses marques. Puis tu m'as fait découvrir un chouette petit restaurant de tacos et les papillons sont revenus. C'était comme ça, avec toi. Jamais de juste milieu.

Ce soir-là, on a parlé de nos envies. Je t'ai expliqué que je ne cherchais pas qu'une baise, que les bénéfices amicaux étaient une case déjà cochée dans ma vie. Tu m'as dit que tu voulais prendre ton temps, mais j'avais cru déceler l'envie d'explorer dans la douceur de ta main sur la mienne. 

Sauf qu'un jour, ou trois, plutôt, tu es disparu. 

mercredi 12 juillet 2023

Avril 1

Cette fois, on a tenu un peu plus la distance. Les messages n'étaient pas réguliers, mais suffisamment pour nourrir le désir de se revoir. Je suis passée par Montréal en coup de vent sans possibilité, partie vers Québec le temps d'un contrat. Je t'ai écrit de ma chambre d'hôtel du 29e étage. Presque une invitation. Mais la vie est compliquée, faire six heures de route sur un coup de tête aussi. Le dimanche, j'avais épuisé toutes les parcelles d'énergie produites par mon corps. Pourtant, alors que je cherchais la motivation à aller prendre une douche avant de m'endormir, tu m'as proposé un plan. Je t'ai dit que je serais ennuyante puisque j'allais inévitablement m'endormir en quelques minutes, tu m'as répondu qu'il valait mieux savoir tout de suite si nous étions capables de bien dormir ensemble. J'ai ri.

Quand ma coloc m'a vue débarquer dans le salon toute prête à sortir, elle s'est étouffée. « Tu ne dormais pas ? » Visiblement non. Puis elle a sorti les griffes quand, au détour d'une conversation étrange (on ne se comprend jamais facilement par messages, toi et moi), tu es finalement venu me chercher dans une camionnette de tueur en série. 

– Garde ton téléphone proche, je te surveille, m'a-t-elle dit. 

Je n'aurais embarqué dans cette camionnette avec aucune autre date, je pense. Mais j'avais confiance. On a tout de suite ri, la complicité était de nouveau palpable. Tu m'as amenée chez toi, dans le bordel infini qu'est ton appartement. Tu as accusé ton coloc, mais il suffisait de voir l'état de ton bureau pour comprendre que le chaos est aussi ta façon de vivre. 

J'avais apporté du vin. On a oublié les heures. 

Et ce soir-là, on a juste dormi, même si l'envie se cachait sous chacune des caresses. Mais bien, dormi. Comme si nos corps se connaissaient déjà dans les postures et le partage équitable de la chaleur.